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ment que, si les crimes ont été grands, l’homme est resté petit. Le secret de la force de cet homme et de ses pareils, dans la phase où ils prévalurent, est en effet bien simple : ils tendaient la voile du côté où soufflait, depuis le dix-huitième siècle, le vent des idées, du côté où soufflait, de leur temps, le vent des passions. Du côté opposé, tout point d’appui manquait pour la résistance. On avait mis un siècle à détruire tous les ports de refuge où la société chrétienne et monarchique aurait pu s’abriter. La barque qui obéit à la traction de la vague qui l’entraîne, semble la dominer : c’est l’image des hommes qui semblaient dominer la révolution qui les entraînait, et l’on en trouve la preuve dans leur impuissance dès qu’ils ont voulu l’arrêter ou même cesser de la suivre. C’est là ce qu’apercevait Joseph de Maistre, dès 1796, en devançant le regard de l’histoire, et il achevait de montrer que ce n’était point la passion qu’on pouvait justement éprouver contre les crimes de Robespierre, qui dictait son opinion, en ayant l’équitable courage d’apprécier ainsi la journée du 9 thermidor : « Quelques scélérats firent périr quelques scélérats. »

Quelquefois ce grand esprit cherche des rapprochements curieux ; il cède à ce qu’on pourrait appeler une sorte de mysticisme historique. Il ne se contente pas de signaler dans l’avenir le prolongement des grandes lignes dont il a saisi la direction ; il arrive aux questions de détail, qui sont l’écueil des raisons les plus hautes, et alors il se trompe. Mais il est admirable