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POLITIQUE.

« lent est fantasque, et le génie a de ces caprices. »

L’opposition révolutionnaire a, sur un gouvernement normal et régulier, un merveilleux avantage. A la différence des gouvernements irréguliers, un tel gouvernement ne peut employer que les qualités des hommes; l’opposition se sert surtout de leurs défauts. Or, il y a toujours plus de défauts que de vertus. Ces caractères chagrins qui mettent obstacle à tout, ces esprits querelleurs qui intentent des procès au premier venu, ces capacités négatives, admirables dans la critique et nulles dans l’action, ces intelligences duellistes qui vivent l’épée à la main, sont d’inappréciables auxiliaires pour une opposition démocratique. Elle leur fait une vertu de leur mauvaise humeur. Leur incapacité d’affaires devient un noble éloignement pour les brigues et une abnégation sublime. Leur caractère intraitable est qualifié de stoïcisme antique, leur brusquerie d’austérité, leur orgueil de haute indépendance et leur haine de tout ce qui est élevé, de dévouement sincère aux faibles et aux petits. Ainsi fit-on pour Courier, le plus altier des hommes, comme on peut le voir dans la lettre étincelante d’esprit et de méchanceté qu’il écrivit à cette Académie assez audacieuse pour ne point lui avoir donné la palme de l’hellénisme. L’opposition le prit pour ce qu’il voulut. Il fut un Cincinnatus, un Caton à la demi-solde, un Franklin en retraite, que sais-je? un philanthrope. Comme on n’était pas bien sûr que ce cœur plein de fiel aimât quelqu’un, on assura qu’il aimait tout le monde, ce qui laissait les