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de braves militaires avec lesquels il se trouvait, il voulut du moins faire autrement. Il dit : « Je serai Diogène, puisque je ne suis pas Alexandre ; » en retournant cette phrase d’une vanité vraiment satanique et qui, mieux encore que les honneurs divins exigés dans l’Asie, révèle tout l’orgueil qui se remuait dans le cœur du roi de Macédoine. En un mot, ne pouvant occuper le faîte de l’échelle, il voulut, au moins, ne pas être classé ; il évita de prendre rang dans la hiérarchie, et fut une exception.

Comme il ne se refusait jamais un paradoxe, il en vint à soutenir que l’art militaire, où il réussissait peu, n’était point un art, et que c’était le hasard tout seul qui gagnait les batailles. Dans la conversation chez la comtesse Albany, à Naples (2 mars 1812), il développe très-sérieusement cette thèse : Il y a une victoire à la fin de toutes les batailles, parce qu’il faut bien que les batailles finissent, et le seul mérite des vainqueurs est d’avoir joint leurs noms aux événements qu’amenait le cours des choses. Il faisait profession de ne point croire aux grands hommes, ce qui est consolant pour ceux qui n’atteignent point à la grandeur. Cependant, après avoir beaucoup médit de la guerre, des généraux illustres et de la victoire, il eut la fantaisie, lui qui n’avait jamais assisté à de grandes journées militaires, de suivre Napoléon qui partait pour la campagne de Wagram. La chose était difficile, parce qu’en 1808, sous le coup d’un de ces accès de mauvaise humeur auxquels il était sujet, il avait donné sa démis-