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parte porta si longtemps. Aussi eût-il fait de l’opposition sous l’empire, si l’opposition eût été une chose possible sous le régime impérial qui, la regardant comme une infraction à la discipline, la punissait sans miséricorde ; force lui fut donc d’enterrer ses épigrammes dans ses lettres : il n’y avait, dans ce temps-là, ni publicité, ni public. Paul-Louis, qui n’aimait point agir comme tout le monde, se consola de cette privation en faisant la guerre en artiste, au lieu de la faire en officier. Comme dans l’armée il n’y avait que des soldats, il prit le parti d’être helléniste : c’était un moyen de ne pas ressembler à ceux avec lesquels il vivait et de ne pas être entraîné dans le tourbillon général, chose que Paul-Louis craignait par-dessus tout. Il chevauchait, à la manière des cavaliers de Xénophon, cherchait des manuscrits là où ses compagnons cherchaient des victoires, et c’est dans une de ces excursions qu’il jeta, sur un manuscrit original[1], ce pâté d’encre resté célèbre ; image assez fidèle du génie de

  1. Ce fut dans la bibliothèque de San-Lorenzo, à Florence, que cette aventure bibliographique eut lieu en 1809. Courier, en examinant un manuscrit grec des Amours de Daphnis et Chloé, y trouva six ou sept pages qui manquaient dans le texte tel qu’il avait été jusque-là imprimé. Il se mit aussitôt à copier le passage inédit et à le collationner. Mais une feuille de papier qu’il mit dans le manuscrit, étant tachée en dessous, couvrit et tacha une page ; c’est du moins l’explication que donna Courier. Les bibliothécaires de Florence l’accusèrent d’avoir noirci cette page à dessein. De là une polémique qui détermina Courier à écrire (en 1810) la Lettre à M. Renouard, qui donna la mesure de son talent comme pamphlétaire.