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du Musée ; seulement, la langue est plus naturelle, moins minaudière, et on comprend mieux cette douleur d’artiste chez un vainqueur de l’armée d’Italie que chez un vaincu, dans l’âme duquel les regrets de l’homme de goût doivent être étouffés par la douleur du citoyen. Une autre lettre, écrite quelques années plus tard sur un tout autre sujet (il s’agissait de l’établissement de l’empire), pouvait faire pressentir que Paul-Louis excellerait dans l’art de raconter d’une manière plaisante les choses sérieuses. Dans cette lettre, on sent comme un avant-goût du sel qu’on trouvera plus tard dans le Pamphlet des pamphlets. Voici comment, à la date du mois de mai 1804, Courier raconte la proclamation de l’empire dans l’armée : « Nous venons de faire un empereur ; pour ma part, je n’y ai pas nui. Ce matin, d’Anthouard nous rassemble et nous dit de quoi il s’agit, mais bonnement, sans préambule ni péroraison : Un empereur ou une république, lequel est le plus de votre goût ? Comme on dit : Rôti ou bouilli, potage ou soupe, que voulez-vous ? Sa harangue finie, nous voici tous à nous regarder assis en rond. — Messieurs, qu’opinez-vous ? — Pas un mot, personne n’ouvre la bouche. — Cela dura un quart d’heure ou plus, et devenait embarrassant pour d’Anthouard et pour tout le monde, quand Maire, un jeune homme, un lieutenant, se lève et dit : — S’il veut être empereur, qu’il le soit ; mais pour en dire mon avis, je ne le trouve pas bon du tout. — Expliquez-vous, dit le colonel ; voulez-vous ou ne voulez-vous pas ? — Je ne veux pas, répondit Maire. —