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livrèrent à la monarchie, dans la sphère intellectuelle, cette rude guerre dont les résultats descendirent plus tard dans les faits, nul, si ce n’est Béranger avec lequel il a plus d’une analogie, ne frappa de plus rudes coups et n’enfonça l’épée plus avant. Il y avait, à cette époque, toute une tribu d’écrivains qui paraissaient avoir oublié que les idées de pouvoir sont nécessaires aux peuples, et la société, dans leurs mains, ressemblait assez à un tableau dont tout le monde voudrait ôter le cadre, sous prétexte qu’il gêne la toile, sans réfléchir que cette toile, formée de divers morceaux rapprochés, se déchirera d’elle-même, si on enlève l’entourage plus solide qui les soutient en les contenant. Qui n’a rencontré dans sa vie quelqu’un de ces caractères contrariants et fâcheux dont on pourrait presque dire, tant l’opposition leur est naturelle, qu’ils naissent de l’opposition ? Il semble qu’une fée maligne se soit tenue à côté de leur berceau pour les douer d’un génie pointilleux et querelleur. Ils ont le nerf optique construit d’une telle manière, qu’ils ne se servent des rayons du soleil que pour découvrir ses taches ; l’oreille tellement organisée que, dans le plus beau concert, ils ne seront sensibles qu’à la fausse note qui a troublé un moment l’harmonie, et leur odorat subtil découvrira, à la longue, un vice au parfum de la rose. Race haineuse et haïssable qui dénigre tout ce qu’elle voit ! Famille vraiment satanique, qui reconnaît pour premier père celui qui, dans les jardins de l’Éden, trouva un mauvais côté à l’ouvrage de Dieu lui-même !