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que le moyen légitime d’une défensive autorisée par les traités. Les écrivains polémiques de cette école étaient des rhétoriciens diserts, élégants, ornés, mais un peu froids. MM. Jay, Étienne et leurs collaborateurs ne manquaient point de malice d’esprit et avaient de la littérature ; mais ils manquaient d’idées, d’inspiration et de jeunesse de style.

Un écrivain qui datait de plus loin, puisqu’il remontait à l’école constitutionnelle de madame de Staël, et dont la plume avait plus de portée, M. Benjamin Constant, l’ancien panégyriste du coup d’État du 18 fructidor, romancier, publiciste, critique, philosophe, poëte, avait pris place plus avant dans la presse révolutionnaire, pour punir la restauration des torts qu’il s’était donnés lui-même. À la veille du 20 mars, en effet, le lendemain du jour où la chambre des députés déclarait « la guerre nationale contre Bonaparte, » Benjamin Constant, craignant sans doute que les trompettes et les clairons manquassent à cette guerre, avait publié un violent manifeste qui se terminait ainsi : « Du côté du roi est la liberté constitutionnelle, la sûreté, la paix ; du côté de Bonaparte, la servitude, l’anarchie et la guerre. Quel peuple serait plus digne que nous de mépris si nous lui tendions les bras ? Nous deviendrions la risée de l’Europe, après en avoir été la terreur ; nous reprendrions un maître que nous avons nous-mêmes couvert d’opprobre. Du sein de notre abjection profonde, qu’oserions-nous dire au roi que nous aurions pu ne pas rappeler, car les puissances