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Villèle, montez à la tribune et rétablissez la question. » M. Royer-Collard, quoiqu’il lût à demi ses discours, produisait de grands effets par l’autorité de ses pensées transcendantes, de sa parole accentuée, de son geste magistral, qui semblait buriner des arrêts pour la postérité. Quand il apparaissait à la tribune, le front chargé de méditations, la tête haute, à la gravité de sa pose, à la brièveté de son accent, et aussi au tour doctoral de son style, on eût dit un maître professant la politique pour des disciples, plutôt qu’un orateur discutant avec des collègues. Si M. de Villèle, toujours maître de lui, était l’Ulysse de la tribune, M. de la Bourdonnaye, le chef de la contre-opposition de droite, fougueux, emporté, plein de saillies, en était, comme on l’a dit, l’Ajax ; Manuel ébranlait les nerfs par une faconde retentissante qui arrivait facilement à la déclamation. Casimir Périer, avec son geste hautain, sa parole stridente, sa haute mine, sa passion politique si différente de la colère oratoire de l’avocat, annonçait déjà l’homme d’État plus occupé de sa pensée que de son discours. On remarquait le talent de discussion de M. Pasquier, son éloquence d’affaires et la facilité de son élocution, toujours appropriée aux sujets qu’il traitait. Camille Jordan apportait dans les assemblées de la restauration un talent déjà exercé dans les dernières assemblées de la révolution, et qui semblait un écho de l’éloquence de ce parti constitutionnel dont la raison politique n’avait pas été au niveau de ses bonnes intentions et de ses talents. Rien de plus élevé, de plus