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qui communiquait la fièvre dont il était brûlé, singulier mélange de hauteur nobiliaire et de hardiesse démocratique, d’antiques souvenirs et de jeunes espérances, de dévouement à la personne du monarque et de révolte contre sa politique, où l’on entendait le vieux cri de Vive le roi ! sorti d’un cœur resté fidèle, couvrir, pour les oreilles de celui qui le poussait, le bruit d’une révolution qui montait. Le tribun fleurdelisé marchait à la tête de cette coalition d’idées entre l’image de la Vendée, qu’il avait si souvent évoquée, et celle de la liberté moderne, qui apparaissait si belle dans ses écrits, et si incapable d’excès, qu’elle séduisait tous les yeux. Les services mémorables rendus par lui à la religion dans son grand ouvrage sur le Génie du christianisme, sa longue et courageuse opposition contre Bonaparte, sa fidélité bretonne, entourée des ombres de ses proches dévorés par les échafauds de la révolution, jetaient dans ce grand style de publiciste et de pamphlétaire je ne sais quelle gravité, quelles émotions, quels majestueux reflets du passé qui remuaient tous les cœurs. Ce fut, pendant la restauration, le véritable aspect du génie de Chateaubriand. À la tribune, il était gêné ; la faculté de l’improvisation lui manquait ; ses discours n’étaient guère que des brochures éloquentes qu’il lisait. Dans le journal, dans la brochure, il se retrouvait comme dans son élément. La brochure et le journal furent les armes de ce redoutable tribunat qu’il créa à son usage, et dont il se servit pour venger ses injures