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donc pas ; il l’avait vue venir, il l’attendait. De là sans doute le sang-froid avec lequel il la juge dans les Considérations sur la France, sang-froid bien remarquable dans un livre écrit en exil, par un homme rudement frappé ; car sa liberté, sa vie même avaient été menacées, et il perdait à la fois sa patrie, sa famille et sa fortune dans ce grand naufrage.

Les Considérations sur la France sont un ouvrage de circonstance qui est devenu un ouvrage durable par l’importance des questions sociales qu’il soulève, et par le sens profond avec lequel elles sont touchées. La prophétie y coudoie l’histoire, et souvent, dans la même phrase, l’auteur raconte à la fois l’avenir et le passé. À un certain point de vue sans doute, c’est un plaidoyer politique ; mais à un autre point de vue, c’est un arrêt buriné par la plume d’un historien inspiré. Il est évident que cet écrit avait un but immédiat, rouvrir les portes de la France à la monarchie. Par ce côté, il coïncide avec le mouvement d’idées et d’intérêts qui, arrêté d’abord par le 18 fructidor, reprit son cours et gagna de nouveau du terrain jusqu’au 18 brumaire, qui le retarda de quinze ans. Ce point n’est pas douteux. M. de Maistre va jusqu’à supposer les objections contre la restauration pour les réfuter ; tout est prévu, tout est touché dans ce livre : la manière dont une contre-révolution pourra s’opérer, les prétendus dangers d’une contre-révolution, les biens nationaux, les vengeances, les avantages de l’ancienne constitution française ; enfin, il termine par des frag-