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langue poétique, MM. Delavigne et de Béranger se rattachent à l’école dans laquelle domine l’élément antique de notre littérature ; mais ils font d’une manière originale et neuve des vers à l’antique. MM. de Lamartine et Victor Hugo se rattachent, au contraire, par leur langue poétique à l’école dans laquelle dominent l’élément chrétien et l’élément indigène, avec cette différence que M. Hugo cherche quelquefois cette langue et que M. de Lamartine la trouve ; le talent du premier a quelque chose de plus laborieux, le talent du second est plus spontané.

D’autres poëtes, avec un retentissement moins grand, mais avec des qualités réelles, commencent en même temps à paraître. M. Alfred de Vigny, esprit plein de distinction, dont la nature et le talent également aristocratiques ont de merveilleuses harmonies, donne à la poésie le temps que lui laisse le service, car il porte honorablement l’épée dans l’armée française. Tout ce qu’il écrit offre un cachet de pureté, de délicatesse, de recueillement, et ce fini que l’étude imprime seule aux productions littéraires. L’auteur, on le voit, compose lentement et avec le scrupule d’une de ces intelligences d’élite qui écoutent longtemps la voix intérieure avant de parler, et se satisfont difficilement elles-mêmes, parce qu’elles ont le goût et le sentiment de la perfection. M. Alfred de Vigny est de race royaliste et militaire. Élevé dans un château de la Beauce, par son vieux père, son esprit s’est ouvert à la pensée en écoutant des récits héroïques : « J’aimai toujours