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qui travaillent a détruire le respect de l’autorité et les mœurs travaillent pour les despotes ou les étrangers. Une nation corrompue et incapable de respect et d’obéissance est prédestinée en effet à la conquête ou à la servitude, et le bâton ou le g ! aive remplacent la main de justice et le sceptre qu’elle n’a pu porter.

Comme poëte, il a un mérite véritable par la variété des tons qu’il sait prendre, le fini qu’il donne souvent à ses petits tableaux, et l’art avec lequel il ciselle sa pensée dans des vers qui saisissent l’esprit et restent dans la mémoire. Sans doute il faut faire la part de l’aide qu’il trouva dans la connivence des passions qu’il flattait, et aussi de l’avantage qu’il a eu d’enfermer ses épigrammes ou ses invectives entre des refrains qui, renouvelant leurs coups comme un marteau opiniâtre, enfoncent dans les âmes le sentiment ou la pensée qu’il veut y faire pénétrer. Il est le premier poète lyrique qui ait songé à mettre ses odes sur des airs ; et une ode chantée réussit toujours mieux qu’une ode récitée, car on est moins sensible aux défauts d’une chanson, plus touché de ses beautés. Le bagage de Béranger sera donc beaucoup moins lourd devant la postérité que devant les contemporains. Il faudra en retrancher bien des pièces négligées, qui n’ont dû leur succès qu’à leur à-propos avec le tour d’opinion de la journée ; les chansons licencieuses, dont les grossières épices ne plairont jamais qu’à l’estomac blasé des libertins de bas étage, et les chansons cyniquement irréligieuses, qui ont eu besoin pour réussir des préjugés