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dieu des bonnes gens devait bien à Béranger cette place d’honneur dans son paradis ; il y entrera conduit d’une main par Frétillon, de l’autre par la Bacchante. » L’épigramme est jolie ; mais ce qu’il y a d’étrange, c’est qu’elle ne fait qu’exprimer une idée parfaitement conforme à la théologie du poëte[1].

On doit sans doute chercher des circonstances atténuantes aux torts de M. de Béranger, dans les temps fâcheux au milieu desquels il parut, dans l’influence que dut exercer sur son esprit une éducation manquée, et dans les passions contemporaines ; comme on peut alléguer aussi les fautes du gouvernement de la restauration, les imprudences de quelques-uns de ses amis, et le désir du poëte de panser avec des refrains sur la gloire de la France la blessure que lui avaient laissée au cœur ses récents revers. Quoiqu’il ait dit, « Mes chansons, c’est moi[2], » il y a toujours une sorte de solidarité entre les défauts des écrivains populaires et ceux de la société, et avant de devenir corrupteurs, ils ont été corrompus. Mais, en tout cas, on ne saurait nier que ce poëte ait fait de son talent un usage très-préjudiciable et à son temps et à son pays. S’il a beaucoup chanté la liberté politique et la gloire nationale, il ne les a guère servies. Les poëtes

  1. N’attendez plus, partez, mon âme,
    Doux rayon de l’astre éternel ;
    Mais passez des bras d’une femme
    Dans le sein du Dieu paternel.

  2. Préface de l’édition de 1839.