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cessaire à l’unité du pays ; consacrer sa gaieté à faire la caricature du malheur, et recevoir l’émigration, reste de tant d’échafauds, sur les pointes meurtrières dé ses épigrammes, était-ce là un emploi bien moral et bien digne d’un talent fort remarquable, quoiqu’il ait été surfait par la connivence de l’esprit de parti ?

Si l’on croit les événements encore trop récents pour que cette question puisse être résolue avec impartialité par l’histoire, il en est une dont la solution n’est pas douteuse. Ceux qui ne verraient dans M. de Béranger qu’un ennemi de la royauté traditionnelle, se feraient une grande illusion. Il a attaqué avec des armes légères, mais puissantes, toutes les bases des sociétés humaines, la religion, l’autorité, le respect de la hiérarchie, la discipline militaire, le clergé, la magistrature, les lois, la famille, les mœurs. C’est un écrivain profondément révolutionnaire ; disons le mot, c’est un écrivain socialiste. Non-seulement, il est le précurseur du socialisme, comme tous ceux qui ébranlent les bases sur lesquelles les sociétés reposent, car derrière les sceptiques, qui se contentent après boire de jeter le mépris et la haine sur les institutions sociales, on voit se présenter les socialistes, qui sont, au fond, des sceptiques qui ont faim ; mais, sur les derniers temps de la restauration, il arrive, par la pente logique de ses idées, à la profession ouverte du socialisme pur. Le Chant des Contrebandiers, le Vieux Vagabond, Jeanne la Rousse, Jacques, marquent ses étapes sur cette route qui le conduira, peu de temps après la chute de la res-