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Cette strophe n’est-elle pas un développement de ce seul vers d’Horace : «Nec vultus instantis tyranni. » Cet autre vers : «Nec fulminantis magna Jovis manus, » reviendra, sinon par l’expression, au moins par la pensée, dans ce couplet :

Nous touchons tous à nos derniers instants ;


et le rejet d’un orgueil stoïcien, impavidum ferient ruinæ, aura pour équivalent ce refrain, revenant après la peinture de la chute du monde :

Le verre en main, gaîment je me confie.

On le voit, c’est toujours l’idée païenne de l’homme conservant une tranquillité inaltérable, même en face de Dieu. Il n’y a ici qu’une couleur légèrement bachique de plus ajoutée au tableau. Le sage de M. de Béranger, c’est le juste d’Horace entre deux vins.

Le poëte a une seconde manière d’être sérieux : c’est la mélancolie. Ici encore il est mélancolique à la manière des païens. C’est la pensée de la mort mêlée aux plaisirs, et qui vient surgir tout à coup au milieu des roses trop passagères : Nimium breves rosas ; c’est l’incertitude des événements humains, l’inconstance de toutes nos joies, la vieillesse qui s’avance dans le lointain, la main glacée et la tête chenue ; toutes images dépouillées de leur moralité. C’est à peine si une vague pensée d’immortalité vient luire à la fin de quelques-unes de ces compositions ; mais il s’agit de l’immortalité telle que l’entend le panthéisme ou le paganisme, d’une immortalité attendue au sein de la volupté et