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d’un culte sans clergé, d’une morale sans devoirs et d’une société sans gouvernement.

La composition de l’auteur où se révèlent le mieux les caractères de ce genre de poésie, c’est le Dieu des bonnes gens. Ici on reconnaît par quels liens étroits M. de Béranger, ce poëte païen par la pensée et le style, se rattache à l’école du dix-huitième siècle, et, par elle, à la littérature de l’antiquité païenne. Horace avait montré avant M. de Béranger, que nous ne lui comparons pas pour le talent, l’homme juste, bravant les conquérants et les rois et ne se laissant ébranler ni par la chute du monde qui touche à ses derniers moments, ni par la main tonnante de la Divinité même :


Justum ac tenacem propositi virum
Non civium ardor prava jubentium
Non vultus instantis tyranni,
Mente quatit solida…
Nec fulminantis magna Jovis manus.


On pourrait établir un curieux parallèle entre les deux odes. Lisez cette strophe qui commence par quatre beaux vers, et s’estropie misérablement en tombant dans les difficultés de la rime, et les exigences du refrain :


Un conquérant, dans sa fortune altière,
Se fit un jeu des sceptres et des lois,
Et de ses pieds on peut voir la poussière
Empreinte encore sur le bandeau des rois.
Vous rampiez tous, ô vous qu’on déifie !
Moi, pour braver des maîtres exigeants,
Le verre en main, gaîment je me confie
Au Dieu des bonnes gens.