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contre le pavillon britannique, allait prendre Alger.

Il serait difficile de classer d’une manière méthodique les compositions de Béranger ; cependant, quelle que soit la variété de ses poésies qui touchent à des sujets si différents, et s’adressent à des ordres de sentiments et d’idées si divers, presque toutes ses compositions peuvent être ramenées à quatre grands types. Il a deux manières d’être sérieux et passionné, deux manières d’être gai et satirique.

Le premier de ces types, c’est ce qu’on pourrait appeler l’ode philosophique. Le poëte met en vers énergiquement frappés et ciselés avec art les lieux communs du Vicaire savoyard, les rêveries du Contrat social, ou les invectives d’Émile. Il donne aux ateliers, aux mansardes, aux écoles, aux casernes, la monnaie poétique de la prose de Rousseau. Il fait ce qu’on pourrait appeler la chanson théophilanthrope et humanitaire. Tout ce que le dix-huitième siècle dit d’éloquemment absurde sur Dieu, la nature, la Providence, la société, vient naturellement s’aligner sous sa plume en couplets. L’Encyclopédie entre, bon gré mal gré, en refrains dans les esprits où elle n’avait pu pénétrer sous la forme dogmatique de ses in-folio. Dans la révision de toutes les perfections de la Divinité, il n’en est qu’une que l’ode philosophique de Béranger lui laisse complétement : c’est la patience. Dieu est une sorte d’être inerte, indifférent, d’une inaltérable complaisance, qui n’a ni volontés, ni lois, ni justice. Toute cette philosophie se compose d’un Dieu sans religion,