Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/362

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il a de commun avec Voltaire, c’est sa tactique, c’est sa passion. À travers ses incohérences, on aperçoit une idée tenace, permanente, immuable, qui peut se traduire par cette phrase célèbre : Écrasons l’infâme ! L’infâme, c’était la royauté française qui venait de rapporter la paix à la France épuisée, la parole à la tribune muette, la liberté à la pensée captive, le respect de la vie et de la dignité humaine, l’abolition de la confiscation, de sauvegarder l’inviolabilité du territoire national occupé par un million d’étrangers que l’empire y avait amenés, et qui rétablissait les finances, faisait flotter nos drapeaux à Madrid malgré l’Angleterre, affranchissait la Grèce du joug des Turcs par la campagne de Morée, et, affermissant son pavillon

    années solennelles et chagrines avaient préparé toute une réaction de licence et de folie. De quelque côté qu’il tourne ses regards, des abus frappent son intelligence vive et prompte ; pour qu’il les ressente plus profondément, il reçoit, dès son premier pas dans la vie, un de ces affronts qui enfièvrent l’homme de cœur, et le haut rang de celui qui l’a outragé lui interdit tout moyen de réparation. C’est ainsi qu’il apparaît au seuil de ce siècle qui va devenir le sien, entre le succès d’Œdipe et le soufflet du chevalier de Rohan, armé de toutes pièces, doué par le ciel ou par l’enfer d’un esprit comme il n’en exista jamais, placé en face d’un monde où tout est désordre, où rien ne tient, où tout s’en va, se dissout ; un roi dominé par des favorites, un règne avili, une cour dégénérée, un clergé détourné de sa mission sainte, des réformes urgentes partout, telle était la société quand Voltaire commença son impie et destructive croisade. Pour Béranger, quelle différence ! » (Lettre de M. de Pontmartin sur les Chansons de Béranger, insérée dans l’Opinion publique, 19 novembre 1851.)