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sidérations sur la France, comprendront l’effet différent que ces deux ouvrages devaient produire. Le livre de Chateaubriand, œuvre à la fois littéraire et philosophique, dramatique et didactique, qui réunissait tous les genres et tous les tons, et mettait le modèle à côté du précepte, arriva, par l’imagination, à tout le monde ; le livre du comte de Maistre était écrit surtout pour les philosophes, les politiques et les penseurs. L’influence qu’exercent de pareils livres devient grande à la longue ; car les opinions ne montent pas, elles descendent. Mais il faut du temps pour que ce travail s’opère. C’est pour cela que l’impulsion donnée par le comte de Maistre ne devait se faire sentir d’une manière marquée que plus tard. Dans la succession des temps, il passe avant M. de Chateaubriand ; dans la succession des influences, l’ordre des dates est interverti, et l’auteur des Considérations sur la France ne vient qu’après l’auteur du Génie du christianisme.

M. de Maistre, s’il n’était pas Français de naissance, était Français d’origine. Il était issu d’une ancienne famille du Languedoc dont une branche avait été transférée en Piémont au commencement du dix-septième siècle, tandis que l’autre branche demeurait dans notre pays. De là sans doute cette profonde affection pour la patrie de ses aïeux, une des influences dominantes dans cette âme à la fois honnête, fière et tendre. C’est là ce qui donne un caractère particulier aux écrits de Joseph de Maistre, ce qui les naturalise