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moment sur les débris des flacons brisés, ou bien courtisait Lisette et Frétillon, et célébrait dans cette belle compagnie les douceurs de l’amour banal, devient austère et farouche. Il tonne comme un écho lointain des satires de Juvénal, contre les vices des grands et les adultères sous la pourpre, lui qui les vantait sous la mansarde comme de joyeux passe-temps. On dirait à l’entendre que tous les crimes portent sceptre et couronne, que les palais sont toujours souillés et que la place publique est toujours pure. Il semble tremper son indignation dans les pages de Tacite pour flétrir le luxe et la mollesse des cours. Il est à jeun, il est sobre, il ne fait plus faire la cabriole à Minerve dans ses chansons, il est grave, il est sérieux, presque vertueux ; il a changé de muse ! Manon Lescaut a disparu pour faire place à la chaste Lucrèce, Épicure est devenu puritain.

Dans cette partie de ses œuvres, M. Béranger répond à la démocratie, aux révolutionnaires de bonne foi, aux républicains dogmatiques. Il parle à la jeunesse et au peuple, et dans le peuple comme dans la jeunesse, il recrute des adversaires contre la royauté.

On voit que, sans même parler des chansons consacrées à la politique proprement dite, M. Béranger a attaqué la restauration par trois points à la fois ; qu’il a parlé à trois partis qui lui étaient opposés. Avec la chanson guerrière, il a fait un crime à la monarchie de cette paix qui était le plus grand de ses bienfaits ; il a excité contre elle le parti bonapartiste, et tourmenté