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l’enthousiasme philosophique et par le scepticisme. Il tourna ses croyances en ridicule, et accusa ses vertus d’hypocrisie. Il caressa par des poésies érotiques le sensualisme, ce vieil ennemi du spiritualisme chrétien, et appela les instincts des corps à la révolte contre la loi des âmes. Au Dieu de la royauté de saint Louis, il opposa le Dieu des bonnes gens ; aux vertus chrétiennes, chastes et sévères comme la source d’où elles découlent, il substitua des vertus trempées de vin de Champagne, des vertus de mauvaises mœurs, qui arrivaient au paradis portées sur les ailes mythologiques des Amours. Avant que la littérature eût entrepris la réhabilitation sérieuse du vice, et qu’elle eût montré, sur le théâtre ou dans les romans, la débauche honnête, la prostitution chaste et le vice vertueux, M. de Béranger avait traité le même type d’une manière bouffonne, et réhabilité la courtisane dans la grande famille des Camille et des Frétillon. Par là, il atteignait deux résultats également fâcheux pour la société monarchique et religieuse : il ébranlait les croyances qui sont le rempart des empires, et il frappait d’impopularité, dans les personnes royales et dans le clergé, des vertus qui auraient dû être un titre à la vénération et au respect.

Il y avait un nombreux parti en France aux idées duquel M. Béranger parlait par cette spécialité poétique ; cette portion de la génération révolutionnaire qui avait vu les conséquences de ses principes sans les abjurer ; ce qui restait des scandales du Directoire, les sectateurs de l’école sceptique, les décombres du monde