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et un flacon de vin de Chambertin, à moins qu’elle n’occupât ses douloureuses insomnies à répondre aux joyeux chasseurs d’Ille-et-Vilaine qui venaient de lui envoyer une bourriche largement garnie de cailles, de perdreaux et de faisans[1], M. Dupin défendant M. de Beranger assis sur le banc des prévenus, disait aux juges : « Ah ! messieurs, si l’on eût déféré une pareille cause au jugement de nos bons aïeux, ils auraient secoué la tête en murmurant entre leurs dents : Chansons que tout cela ! Et ils eussent ainsi fait preuve d’esprit autant que de justice ! »

Cette observation était d’une grande naïveté, à moins qu’elle ne fût pas d’une grande franchise. Une comédie peut être aussi gaie qu’une chanson ; or, qui ne sait que les Nuées d’Aristophane préparèrent la Ciguë de Socrate ? Pour se convaincre de tout ce qu’il y eut de grave dans la guerre que fit Béranger à la restauration, il suffira de passer en revue les différentes bases sur lesquelles la monarchie s’appuyait, les différentes classes d’ennemis qui travaillaient à sa chute. On verra que pas une de ces bases ne resta à l’abri des attaques du client de M. Dupin, que pas une de ces classes

  1. Paul-Louis Courier, autre victime de ces jours de tyrannie, a laissé dans une lettre intime à sa femme, la description suivante de sa prison : « Sois tranquille sur mon compte, je suis aussi bien qu’on peut être en prison, bien logé, bien nourri, du monde quand j’en veux, et des gens fort aimables, logement sain, air excellent. » (Œuvres de Courier, publiées avec une introduction d’Armand Carrel.)