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au point de vue de leur influence sur l’esprit du temps, c’est donc ce perpétuel usage de mots séduisants par eux-mêmes, mais indéfinis, qui fut une des plaies de la restauration, parce que chacun mesurait l’idée qu’ils contenaient aux chimères de son imagination. Comme lord Byron qui fut en cela son modèle, il entretenait les jeunes esprits dans ce culte vague et indécis de la liberté, qu’on appela le libéralisme, maladie morale dont les cœurs les plus élevés de ce temps ressentirent l’atteinte. Sans doute, il est du devoir d’un honnête homme d’aimer les libertés de son pays, et de les vouloir aussi grandes que les vertus, les lumières, les intérêts, les traditions nationales de la société dont il est membre, le comportent ; mais c’est un mal que d’aimer une liberté abstraite, indéfinie, séparée de l’idée du pouvoir traité en suspect et en ennemi, car cette liberté inapplicable au temps dont on est, au lieu où l’on vit, et, en dehors des vertus, des mœurs, des lumières nationales, c’est la révolution qui ouvre toujours les voies au despotisme. Par ce côté, M. Casimir Delavigne, qui était parti d’un terrain si solide, si large, si national, finit par se laisser entraîner dans les sentiers de l’esprit de parti, et par toucher du pied la lave révolutionnaire. La modération de son esprit et la douceur native de son caractère le retinrent toujours dans de certaines limites ; mais il subit l’action de la brûlante atmosphère au sein de laquelle il vivait, et ses vers, éclos à la chaleur des passions publiques, servirent à les échauffer encore. Il avait un autre point de con-