Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/348

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tuelle qui lui fait mépriser le bien imparfait, mais réel et possible, pour le bien absolu et chimérique. On peut suivre le progrès de l’agitation des idées dans les vers de Casimir Delavigne, qui en reçoivent une impulsion nouvelle, et viennent à leur tour, comme un flot de plus, augmenter la violence du courant. Les Messéniennes publiées en 1827, et notamment celle dédiée au général Foy ont un caractère plus amer et plus agressif que leurs aînées, déjà moins modérées que les premières. On sent monter dans ces poésies la tonique de l’opposition. L’exagération, peu habituelle à l’esprit naturellement modéré de M. Delavigne, s’y glisse ; les hommes et les objets cessent d’y avoir leurs véritables proportions ; le général Foy y marche l’égal des héros les plus illustres de l’ancienne Rome ; ses funérailles, manœuvre d’opposition destinée à attaquer les ministres vivants bien plus encore qu’à honorer l’orateur mort, sont comparées aux plus sublimes spectacles de l’histoire. Enfin, dans l’épilogue, le poëte arrive presque à pousser le cri de guerre, et dans les dernières strophes, il semble qu’on entende retentir le prélude lointain de la Parisienne[1]. Le caractère des poésies lyriques de M. Delavigne,

  1. Avant que des oppresseurs
    Étouffent sous des lois la vérité muette,
    Vous leur pouvez du moins prédire leur défaite.
    Eh bien ! ils tomberont, ces amants de la nuit.
    La force comprimée est celle qui détruit ;
    C’est quand il est captif dans un nuage sombre
    Que le tonnerre éclate et luit ;
    Et la chute est facile à qui marche dans l’ombre.