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Messénienne où la pointe de l’épigramme se montre à côté des larmes de l’élégie, il fait le tour de l’Europe sans trouver nulle part la liberté. Dans ses Messéniennes composées pendant le voyage qu’il fit à Rome pour sa santé, il évoque partout le vieil esprit républicain de l’antiquité, lieu commun de poésie, innocent par l’intention, dangereux par le résultat, car on ne transforme pas les souvenirs en réalités, et on contribue par ces anachronismes littéraires à troubler les idées et à rendre les peuples révolutionnaires, c’est-à-dire plus agités et plus malheureux, sans être plus libres. Quand le général Foy meurt, Casimir Delavigne lui consacre une Messénienne toute remplie des émotions et des passions du moment, et dans laquelle il adresse à la jeunesse « ardente et pure »[1] les flatteries qu’il s’est félicité de n’avoir jamais offertes aux rois, breuvage fermenté, encore plus dangereux cependant pour la jeunesse que pour les rois, car il la jette dans une ivresse intellec-

  1. Et toi qu’on veut flétrir, jeunesse ardente et pure,
    De guerriers, d’orateurs, toi, généreux essaim,
    Qui sens fermenter dans ton sein
    Les germes dévorants de ta gloire future ;
    Penchée sur le cercueil que tes bras ont porté,
    De ta reconnaissance offre l’exemple au monde.
    Honorer la vertu, c’est la rendre féconde,
    Et la vertu produit la liberté.
    Prépare son triomphe en lui restant fidèle.
    Des préjugés vieillis les autels sont brisés ;
    Il faut un nouveau culte à cette ardeur nouvelle
    Dont les esprits sont embrasés.
    Vainement contre lui l’ignorance conspire.
    Que cette liberté qui règne par les lois
    Soit la religion des peuples et des rois.