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mobiles qui agissaient sur les esprits étaient très-complexes, et, chez plusieurs, la fièvre de l’hellénisme avait quelque chose d’excessif et qui allait au delà du naturel. Si la sympathie et la pitié pour la Grèce existaient dans de nobles âmes sans aucun mélange de calcul, plus d’un calcul s’y mêlait chez d’autres esprits qui en faisaient un thème d’opposition contre les rois, et un moyen de remuer ce sentiment vague, et par conséquent dangereux, d’un libéralisme indéterminé que les noms républicains de Sparte et d’Athènes réveillent dans le cœur de ceux qui ont oublié ou n’ont point appris dans Plutarque combien, non-seulement l’ordre, la sécurité, le bonheur, mais la vertu, la justice, la liberté et la dignité humaine eurent à souffrir de ces gouvernements démocratiques de la Grèce, que le vulgaire admire à distance, à la lumière de quelques éclatants souvenirs. Les poëtes français qui chantèrent la Grèce et excitèrent l’esprit public en sa faveur, la connaissaient peu. Leur enthousiasme n’est guère qu’un enthousiasme classique, leur inspiration une inspiration de reflet ; si leurs chants, tout remplis des souvenirs de l’antiquité savante, eussent été traduits et lus aux rudes compagnons de Canaris, ceux-ci ne les auraient probablement pas compris, tant ils étaient hors du mouvement de leurs sentiments, de leurs mœurs et de leurs idées. Ceci donne à presque toutes les poésies qu’inspira la Grèce, à cette époque, quelque chose de factice et de froid, et les Messéniennes de Casimir Delavigne sur ce sujet, comme l’a fait observer un