Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/337

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toires, qu’il s’était habitué à admirer comme les hôtes de notre civilisation. Les émotions factices du littérateur plein des souvenirs de l’antiquité ont dominé, dans l’esprit du poëte, les émotions naturelles du Français, et il a laborieusement combiné de jolies antithèses mythologiques, au sujet de la dévastation du Musée [1].

Ce défaut n’est point accidentel chez Casimir Delavigne ; il tient à la nature même de son talent pur, correct, harmonieux, mais un peu froid, et assez enclin à remplacer les beautés naturelles par ces splendeurs de reflet que les esprits cultivés et familiarisés avec l’étude de l’antiquité trouvent facilement dans leurs souvenirs. Moins apparent dans les premières Messéniennes, où le vol du poëte était soutenu par le souffle du sentiment public et par l’émotion qu’excitait dans son âme le douloureux spectacle qu’il avait sous les yeux, ce défaut devait devenir plus marqué lorsqu’il serait obligé de se placer par l’imagination dans un sujet éloigné ou fictif, et de deviner la vérité, au lieu de se trouver en contact avec elle.

  1. En parlant de la mutilation de la Vénus de Médicis, le poëte s’exprime ainsi :

    Le deuil est aux bosquets de Gnide
    Muet, pâle et le front baissé,
    L’Amour, que la guerre intimide,
    Éteint son flambeau renversé.
    Des Grâces la troupe légère
    L’interroge sur ses douleurs ;
    Il leur dit en versant des pleurs :
    « J’ai vu Mars outrager ma mère ! »