Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/334

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sent à la vue de ses humiliations, que la disposition à relever ses anciens trophées dans les souvenirs, pour la consoler du présent par le spectacle du passé ; que le tribut de larmes payé aux soldats morts en combattant ? Ce sont là les sentiments qui dominent dans les premières Messéniennes. Il y a de l’élévation dans les idées, une émotion contenue dans l’expression, une grande vérité d’accent. La langue poétique de M. Delavigne n’a pas atteint encore le degré de perfection qu’elle atteindra plus tard ; mais elle est déjà belle, harmonieuse et pure, et il y a du mouvement et de la vie dans sa poésie. Elle pleure, elle s’indigne, elle exhorte, elle prie. On y retrouve l’expression des sentiments d’une grande partie des nouvelles générations de cette époque : une disposition naturelle à porter le deuil de nos désastres, à saluer la liberté qui arrive, à accepter la monarchie qui la ramène[1], et la conviction de la nécessité de l’union devant l’étranger. On est encore trop près des malheurs que le funeste retour de l’île d’Elbe a apportés à la France[2], le sentiment public est trop prononcé contre l’auteur de ces maux, pour que le bonapartisme poétique se glisse dans les vers du jeune poëte, harmonieux écho des impressions publiques ; le seul mot qui fasse allusion à l’empereur dans le

  1. Étouffons le flambeau des guerres intestines.
    Soldats, le Ciel prononce il relève les lis ;
    Adoptez tes couleurs du héros de Bouvines,
    En donnant une larme aux drapeaux d’Austerlitz.

  2. La première Messénienne, intitulée la Bataille de Waterloo, fut composée au mois de juillet 1815.