Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/333

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ressées, pour leur préservation intérieure, à ce que la restauration vécût, ne devaient point faire peser sur elle l’impopularité même imméritée qui devait naître de la situation faite à la France ; car les peuples, injustes dans leurs ressentiments, oublient les gouvernements qui ne sont plus, et attribuent à celui du moment la situation qu’il subit comme un funeste et inévitable legs. Il y avait dans ces sentiments, dans ces images, dans ce grand contraste de la fortune présente de la France avec sa fortune passée, dans le souvenir du désastre militaire de Waterloo, dans la présence des drapeaux étrangers sur notre territoire, de quoi inspirer un poëte dont les vers répondraient aux émotions nationales. Ce poëte fut M. Casimir Delavigne : né en 1793, il avait alors vingt-deux ans.

Les premières Messéniennes ne furent point l’œuvre de l’esprit de parti ; c’était le gémissement de la France qui retentissait dans les vers d’un de ses plus jeunes enfants. M. Delavigne était alors dans un âge où les émotions sont vives et les impressions profondes ; il peignait ce qu’il voyait, il éprouvait ce qu’il exprimait. C’est là le grand secret de l’inspiration. Elle trouve surtout son aliment dans les sentiments naturels, elle périt au contact des sentiments factices. Quoi de plus naturel que le regret, la colère à l’aspect de la patrie envahie, que l’humiliation sympathique qu’on res-

    cette Europe que seule elle a pu bouleverser. » (Réflexions sur l’intérêt général de l’Europe, par M. le vicomte de Bonald, 1815.)