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les grandes choses de leur religion et de leur patrie, le triomphe des doctrines sophistiques du dernier siècle eût été beaucoup plus difficile, peut-être même impossible. La France n’eut pas ce bonheur ; ses poëtes nationaux étaient presque tous des poëtes païens, et notre littérature était plutôt l’expression d’une société idolâtre et démocratique que d’une société monarchique et chrétienne. Aussi les philosophes parvinrent-ils, en moins d’un siècle, à chasser des cœurs une religion qui n’était plus dans les esprits. C’est surtout à réparer le mal fait par les sophistes que doit s’attacher aujourd’hui le poëte. »

M. Hugo, on le voit, se présentait dans ce manifeste comme un conciliateur. Il repoussait toutes les conséquences exagérées qu’on pouvait tirer de son système ; il maintenait les règles inviolables de la langue, les droits éternels du goût ; il demandait seulement qu’on permît à une société profondément modifiée d’avoir une littérature à elle, et c’était dans le sens de la religion et de la monarchie qu’il voulait réformer la littérature, en la rendant à la fois plus monarchique et plus chrétienne. Cette seconde phase de son talent dura jusqu’en 1826, et quand Louis XVIII mourut, il exprimait encore dans une belle ode consacrée à sa mémoire ces hautes idées, ces nobles sentiments qui l’avaient inspiré pendant la première phase de sa vie littéraire. Nous le retrouverons plus tard dans d’autres voies, quand nous aurons à retracer la tentative faite pour changer complétement la littérature. La ré-