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intérieurement la littérature de ce siècle. Si, après une révolution politique qui n’a rien laissé dans le cœur de l’homme qu’elle n’ait remué, rien dans l’ordre des choses qu’elle n’ait déplacé, nul changement n’apparaissait dans l’esprit et le caractère d’un peuple, n’est-ce pas alors qu’il faudrait s’étonner ? Ici se présente une objection spécieuse développée par des hommes de talent et d’autorité : c’est précisément, disent-ils, parce que cette révolution littéraire est le résultat de notre révolution politique, que nous en condamnons les œuvres. Cette conséquence ne paraît pas juste. La littérature actuelle peut être en partie le résultat de notre première révolution, sans en être l’expression. La société, telle que l’avait faite la révolution, a eu sa littérature hideuse et inepte comme elle. Cette littérature et cette société sont mortes ensemble et ne revivront plus. L’ordre renaît de toutes parts dans les institutions ; il renaît également dans les lettres. La religion consacre la liberté ; nous avons des citoyens. La foi épure l’imagination ; nous avons des poëtes. Les plus grands poëtes du monde sont venus après les grandes calamités publiques. Après la révolution française, Chateaubriand s’élève. La littérature présente, telle que l’ont créée les Chateaubriand, les Staël, les Lamennais, n’appartient donc en rien à la révolution. La littérature actuelle, que l’on attaque avec tant d’instinct d’un côté, si peu de sagacité de l’autre, est l’expression anticipée de la société religieuse et monarchique qui sortira sans doute du milieu de tant d’an-