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pathique d’un sentiment général. Ce que M. Casimir Delavigne était pour les âmes plus vivement frappées de nos récents désastres que de nos anciens malheurs, M. Victor Hugo l’était pour celles qui s’émouvaient surtout au souvenir de tant de douleurs navrantes, de tant de crimes inouïs que les années néfastes de la révolution française avaient fait naître. Ses premiers chants furent les Messéniennes de l’opinion royaliste. Quand on vantait trop haut, devant la portion de la génération nouvelle qui se rattachait à cette opinion, les chansons pleines d’un sel cuisant que publiait à la même époque Béranger ou les hymnes resplendissant d’une beauté classique que Casimir Delavigne consacrait à la liberté, les deux noms et les vers qui venaient naturellement au cœur et aux lèvres de la jeunesse royaliste, comme des représailles, étaient ceux de Lamartine et de Victor Hugo.

Rien, dans la première manière du poëte, ne sentait l’innovation systématique. La jeunesse était dans l’inspiration, la nouveauté dans le mouvement de la poésie, dans la vivacité de l’expression qui répondait à la vivacité d’un sentiment vrai, et non dans des changements apportés à la prosodie dans une réforme du mécanisme du vers. Le talent de M. Victor Hugo avait sans doute moins d’haleine qu’il ne devait en avoir plus tard, mais on rencontrait dans ses odes des stances entières d’une fraîcheur de sentiment, d’une beauté naïve de rhythme qu’il n’a ni surpassées ni même égalées depuis. Ainsi, dans la pièce où il peint l’arrivée de