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amis, il lit ce qu’aucune bouche n’oserait lui prononcer : Tu n’as plus de mère ! Toutes les délicieuses mémoires du passé, toutes les tendres espérances de l’avenir s’évanouissent à ce mot ; il étend sur sa vie une ombre de mort, un voile de deuil que la gloire elle-même ne pourrait plus soulever ! Ces joies, ces succès, ces couronnes, qu’en fera-t-il ? Il ne peut plus les rapporter qu’à un tombeau. »

C’était la première épreuve qui vint frapper M. de Lamartine. Dans le monde littéraire, tout lui souriait ; ses concurrents même étaient ses amis. M. Hugo échangeait avec lui des épîtres pleines de mélodieuses sympathies, et assez semblables à ces chants aériens qui font relever la tête au promeneur quand, vers l’époque de la moisson et au commencement d’une belle soirée, il chemine le long d’un champ d’épis mûrs. M. Casimir Delavigne, quoique dans un autre camp et dans une autre école, ne lui témoignait ni moins de sympathie, ni moins d’admiration, quand les deux poëtes venaient à engager en beaux vers une de ces polémiques courtoises, où l’un défendait la liberté, l’autre la religion, muses habituelles de leurs chants. Dans la diplomatie, ses succès poétiques lui avaient aplani le chemin, car la restauration n’avait point la faiblesse d’esprit de croire que les intelligences ouvertes par l’étude des lettres sont fermées aux affaires. Secrétaire de légation à Florence, puis chargé d’affaires dans la même ville, après avoir été un moment secrétaire d’ambassade à Londres, il allait partir comme chargé d’af-