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teur et aux renversements auxquels il venait d’assister. Les tristesses du temps qui fuit en dissipant les plus chères illusions de notre vie, comme des nuées un moment dorées par les rayons du soleil, se fondaient dans ce talent avec les immortelles espérances que la religion murmure à l’oreille de l’homme, dans le trajet rapide qui sépare son berceau de sa tombe. Cette imagination qui, dans une poétique enfance, s’était éveillée au fond du vieux château de Combourg, et au bord de la mer qui berce le rivage breton de sa plainte mélancolique, avait subi la double influence du spectacle d’un vieux monde qui tombait, et du monde nouveau qui lui avait offert ses fleuves immenses, ses forêts vierges aux profondeurs impénétrables, qui semblaient sortir des mains du Créateur, ses peuplades sauvages, sa jeune physionomie sur laquelle la main de l’homme n’avait pas encore imprimé de rides, de sorte qu’on retrouvait à chaque instant dans ses inspirations d’écrivain les harmonies mystérieuses qui naissent des contrastes, et les fraîches couleurs d’une aurore mêlée aux tons plus sévères du couchant.

L’école religieuse et politique, qui regardait la victoire du Génie du christianisme comme la sienne propre, salua son succès avec une joie enthousiaste. Le livre fut traduit dans toutes les langues de l’Europe ; mais en revanche la colère du parti qui continuait les traditions du dix-huitième siècle et celles de la révolution fut très-vive, et ses attaques furent d’autant plus passionnées, que le succès, comme on était obligé de le