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tiné. C’est là la principale critique qu’on peut élever contre les Harmonies au point de vue moral. Elles ont quelque chose de morbide qui se communique à l’âme. Elles recommencent sans cesse, contre le doute, une bataille gagnée, mal gagnée, puisqu’il faut la livrer à la dernière page comme à la première. Or, l’homme a besoin d’affirmer pour agir ; si tout le travail de sa pensée se consume à scruter perpétuellement les bases de ses affirmations, s’il les discute encore le lendemain du jour où il les a acceptées, les hésitations de son esprit se traduiront inévitablement dans les hésitations de sa conduite, et cette rêverie sans fin absorbera son activité. Il faut ajouter que, dans cette contemplation incessante des redoutables problèmes dans lesquels l’œil du poëte et du philosophe cherche à plonger, comme autrefois Empédocle dans les profondeurs enflammées de l’Etna, le vertige finit par gagner l’intelligence. C’est ainsi qu’on trouve dans les Harmonies quelques idées qui, sous la forme religieuse, tendent à sortir du cercle sacré dans lequel la religion enchaîne la foi du chrétien. Le Cantique à l’Esprit-Saint est du nombre : le panthéisme apparaît confusément dans les incarnations successives où le poëte salue l’esprit de Dieu, et dans celle où il le supplie de se manifester de nouveau. Dans une autre pièce, l’Hymne de l’Ange de la terre après la destruction du globe, on craint de découvrir comme le pressentiment de l’anéantissement de tout ce qui a peuplé la terre, esprits et corps. Cette pièce, qui offre d’ailleurs des beautés