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pour arriver au faîte, il commence à redescendre la pente des années. Il y a plus d’ombre et moins de lumières dans ses vers ; ils ont quelque chose de grave et de triste comme l’expérience qui pleure les illusions perdues, mais sans pouvoir les retrouver. Les Harmonies ont surtout un caractère philosophique et religieux : elles reflètent ces luttes intellectuelles qui se livrent dans les plus hautes sphères de l’âme, entre les principes opposés ; elles sondent les grands mystères de notre nature, elles interrogent l’infini, elles essayent de pénétrer l’homme, l’univers et Dieu. Presque toujours elles prient, mais d’une prière tourmentée qui a souvent quelque chose de fébrile et de maladif. Le doute, sans cesse repoussé, revient sans cesse puisqu’il faut le combattre sans fin. Dans les angoisses de l’esprit du poëte, on entend comme un retentissement lointain des angoisses de l’intelligence humaine au sein d’une époque sur laquelle la nuit du doute redescend. C’est l’âge philosophique du génie poétique de M. de Lamartine. Sa pensée a bien des retours vers les premiers sentiments de sa vie, et alors ses vers acquièrent une grâce de mélancolie vraiment charmante, et un parfum de souvenir suave et doux, comme ces senteurs d’un rivage aimé qu’une brise apporte au navire qui vient de le quitter. C’est ainsi que Pensée des morts, Milly ou la Terre natale, le Tombeau d’une mère, Souvenirs d’enfance, le Premier regret, rappellent l’inspiration, le ton, la couleur des premières Méditations, avec un contour un peu moins pur et un peu plus accusé : c’est