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destinées, avec ses doutes déchirants, avec son dégoût du fini, avec cette soif que rien ne désaltère ici-bas, avec ses faiblesses qui font pour lui un tourment du souvenir et du pressentiment de sa grandeur.

Dans la lumière de ce grand talent poétique on aperçoit quelques ombres. La facilité merveilleuse de la versification incline parfois à la négligence. Des critiques sévères pourraient appréhender de surprendre l’auteur sur la pente glissante du panthéisme[1], cette erreur redoutable qui naît de la contemplation trop prolongée de la grandeur de Dieu, quand la faiblesse de l’homme cesse un moment de s’appuyer sur l’ancre de la foi qui empêche l’intelligence de dévier vers l’écueil. Une imagination qui n’est pas toujours maîtresse de son élan, une intelligence qui ne contient pas toujours sa pensée, et qui, ainsi que l’auteur le dit lui-même, se laisse emporter par elle, comme dans un tourbillon mélodieux; parfois quelque chose d’excessif dans les idées et les sentiments : voilà les défauts de cette riche nature, défauts plutôt indiqués que bien caractérisés dans ces premières poésies.

Du reste, les aspirations religieuses, littéraires et politiques de M. de Lamartine ne sont pas équivoques.

  1. Ainsi, dans la XXVIIIe Méditation, dédiée à M. l’abbé de la Mennais, on lit ces vers, qu’il serait peut-être difficile de justifier philosophiquement :

    L’être à flots éternels découlant de son sein
    Comme un fleuve nourri par cette source immense,
    S’en échappe et revient finir où tout commence.
    Il peuple l’infini chaque fois qu’il respire.