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antique, choquaient son esprit aussi conséquent que religieux. L’impudique Vénus, qui présidait à la poésie matérialiste et voluptueuse des écrivains idolâtres, lui semblait indigne d’être invoquée par des poëtes chrétiens. Loin de partager cette folie de quelques esprits du moyen âge qui, fous d’hellénisme, ivres de l’étude de l’antiquité, exagérèrent le mouvement de la renaissance, voulurent convertir le christianisme aux formes de la mythologie, et rendre le catholicisme païen, pour qu’il parlât une langue plus cicéronienne, Bossuet voulait, au contraire, convertir la poésie à la forme catholique et enlever à l’esprit antique la dernière position qu’il eût gardée au milieu de notre civilisation moderne.

Par cette pensée, Bossuet avait deviné la nouvelle poétique et la mission que devaient remplir Chateaubriand, au commencement du dix-neuvième siècle, M. de Lamartine au début de la restauration.

Cependant ce poëte ne songeait guère à opérer une révolution dans le monde poétique : lorsqu’il écrivit ses premiers vers, il n’avait ni système ni prétention ; c’était une intelligence où tout était instinct. Il écrivait en vers, parce que sa nature l’y portait ; ses expressions et ses images étaient chrétiennes, parce que sa pensée était chrétienne comme son éducation. Sa mère lui avait appris à lire dans la Bible et l’Évangile ; ses maîtres du collège de Belley, auxquels il adressait de si doux adieux, avaient continué à désaltérer son âme dans les mêmes eaux, et il trempait toutes ses inspira-