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l’autre, qu’on ne rencontre pas quand on est plus avancé sur la route. Belles et riantes heures de la jeunesse, que l’homme ne retrouve plus quand elles sont une fois envolées, mais que les nations, qui rajeunissent, à la manière des arbres, par la chute et la pousse des feuilles, comptent plus d’une fois dans leur carrière ; époques d’épanouissement intellectuel, d’émotions fraîches et vives, beau printemps poétique, qui donc, après s’être rencontré en face de vous, avec ce printemps de l’âme que nous portons tous en nous à vingt ans, pourrait vous oublier jamais !

C’est donc par la poésie que nous entrerons dans l’étude de la littérature de la restauration. Le réveil de la poésie, à cette époque, a quelque chose du réveil de l’esprit de liberté, avec lequel il coïncide ; plus la compression avait été forte, plus la réaction était vive. L’empire avait été le triomphe des sciences exactes, du calcul, du compas, de l’idée mathématique, sur les vérités de sentiment et la philosophie de Condillac, qui tend à faire du don divin de la pensée un mécanisme matériel dont le premier rouage est dans les sens, avait, du haut de toutes les chaires, du sein de toutes les académies et de tous les ouvrages officiels, favorisé cette conspiration contre tout ce qui est sentiment, inspiration et poésie. Les hommes qui vivaient dans ce temps et à qui Dieu avait mis dans le cœur cette aspiration vers l’idéal qui fait les poëtes, n’avaient souffert qu’avec une indignation secrète les dédains des sciences matérielles ; et le plus richement