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sanctuaire de la civilisation antique, caché à demi derrière la barbarie musulmane. Aussi voit-on dans Child-Harold que ce fut avec des transports de joie que lord Byron foula cette terre consacrée par le génie ; il la traversa presque tout entière en évoquant ses glorieux souvenirs, pour se rendre à Athènes, qu’il appelait la cité de ses rêves. Lord Byron demeura trois mois dans l’Attique. La vie qu’il menait dans cette contrée était pleine d’attraits pour un esprit tel que le sien ; il était dans la patrie de la civilisation, et il avait pour commensal la barbarie ; rien de plus pittoresque que cette existence mêlée de jouissances poétiques et de périls de tous genres. Le pacha, son ami, lui avait donné une garde de cinquante Albanais pour le protéger contre les attaques auxquelles il était exposé ; c’était donc sous la protection d’une troupe de bandits qu’il allait à la recherche de l’ancienne civilisation de la Grèce, dont d’autres bandits lui interdisaient les approches. Cette vie d’études, d’aventures et d’émotions laissa des traces profondes dans le talent du poëte, et elle fait comprendre les deux qualités contradictoires qu’on rencontre dans ses ouvrages, la témérité de la pensée jointe à la pureté de l’expression. Byron, à son retour, emporta le roman de sa vie dans son imagination, et le reflet de ses études classiques dans son style. Au bout de ces trois mois, le voyageur s’embarqua pour Constantinople, parcourut en passant les champs où fut Troie, puis, en traversant l’Hellespont, ce coureur de toutes les gloires fut saisi du désir de