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en beau, mais cependant ressemblants, dans lesquels un rayon de l’idéal semble luire derrière la beauté réelle. Madame de Staël, que les Allemands reconnaissants appellent la bonne dame (die gute Frau), peut-être un peu dans le même sens que les contemporains de Jeanne d’Arc donnaient le même nom à ces fées bienfaisantes de Domremy, qui, suivant les superstitions locales, hantaient et protégeaient leurs fontaines, avait vu le pays, dont elle retraçait l’image, à travers le prisme d’une imagination puissante et les dispositions favorables d’un cœur bienveillant. Partout accueillie avec un empressement sympathique, dû à la supériorité de son esprit et à ses malheurs, en relation d’amitié avec tous les hommes éminents de l’Allemagne, avec ses philosophes comme avec ses poëtes et ses artistes, successivement assise au foyer de Goethe, de Schiller, de Humboldt, Ancillon, Schlegel, Wieland, madame de Staël avait vu surtout en Allemagne ce qu’on pouvait louer, et son regard avait glissé sur les défauts qui auraient appelé le blâme. Ce n’était point de sa part, on peut le croire, calcul, mais illusion d’un hôte reconnaissant, plus frappé des bons que des mauvais côtés de la nature humaine, dans un pays où il est affectueusement reçu au sortir d’une patrie vivement regrettée ; car madame de Staël, on s’en souvient, soupirait en songeant au ruisseau de sa rue du Bac, même auprès des belles eaux du lac Léman, chantées par tant de poëtes. La sincérité est une puissance ; il y avait donc une force dans la sincérité des