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fait exiler de nouveau. C’était donc un livre plein de cet attrait toujours attaché aux œuvres d’opposition d’un écrivain persécuté qui allait révéler l’Allemagne à la France. Imprimé à Londres sur la fin de 1813, l’ouvrage de madame de Staël devait l’être dès 1814 à Paris. La chute de Napoléon rouvrait à la fois la France au livre proscrit et à l’auteur banni, qui se présentaient ainsi, en ajoutant, à leur valeur très-réelle, la popularité de la persécution subie, et l’aimant d’une curiosité d’autant plus vive, qu’elle était depuis longtemps éveillée. La faveur naturelle qui entourait, au début de la restauration, une femme que l’empereur avait poursuivie d’une inimitié si persévérante, et à laquelle il avait fait l’honneur de personnifier en elle cette puissance de l’esprit, objet de ses appréhensions ; l’influence d’un salon européen ; l’intérêt de l’ouvrage, la nouveauté du sujet, à une époque où la littérature allemande était si peu connue en France, où l’on n’avait guère lu jusque-là que les idylles de Gessner et quelques œuvres de Klopstock, de Schiller et de Gœthe ; ce mélange séduisant d’études littéraires et d’études de mœurs ; la poésie des descriptions, le charme d’un enthousiasme communicatif, tout concourait à donner au livre De l’Allemagne un des meilleurs de madame de Staël, quoiqu’il porte la trace de ses défauts ordinaires, une popularité qui devait, en définitive, profiter à l’influence du génie allemand sur le mouvement des esprits dans notre pays. Ce livre pourrait être comparé à un de ces portraits peints