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blie par la restauration, les douanes intellectuelles tombaient, et le commerce se renouait d’autant plus actif entre le génie de la France et celui des nations voisines, que les rapports avaient été longtemps suspendus. Deux contrées surtout se trouvaient appelées par le degré avancé de leur civilisation et par l’éclat de leurs travaux intellectuels à exercer une action marquée sur le mouvement des idées en France : c’étaient l’Allemagne et l’Angleterre.

La première rencontrait, dans un des écrivains les plus aimés du public français et les plus heureusement doués, un introducteur naturel. Madame de Staël avait, on s’en souvient, écrit son livre De l’Allemagne pendant les dernières années de l’empire ; et cet ouvrage, fruit des études d’un premier exil[1], l’avait

    des luttes majestueuses de l’empire contre l’Europe. En présence de ces immenses événements, la pensée ne pouvait se replier avec énergie sur elle-même ; sans cesse détournée, elle n’opérait qu’avec la moitié de ses forces. Aussi l’empire fut-il une époque de sommeil philosophique. Presque en tout on se contenta des idées du dix-huitième siècle ; la pensée du dix-neuvième fut pour ainsi dire ajournée. D’ailleurs la guerre avait suspendu toutes les communications savantes avec les autres parties de l’Europe, et les idées étrangères ne pouvaient venir, comme elles l’ont fait depuis, corriger, étendre et animer les nôtres. » (Introduction aux fragments des leçons de M. Royer-Collard, par M. Th. Jouffroy.

  1. Madame de Staël avait fait deux voyages d’étude en Allemagne, le premier en 1803, le second dans les années 1807 et 1808, et c’est en 1810 seulement qu’elle acheva son ouvrage, dans le château de M. Matthieu de Montmorency, situé près de Blois.