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quand les marches et les contre-marches s’arrêtent sur les champs de bataille le mouvement recommence presque toujours sur le champ des idées ; l’activité humaine, qui ne peut rester sans aliment, passe alors de la sphère du fait dans celle de l’intelligence. Ce changement allait donner une importance inaccoutumée aux travaux de l’esprit. La littérature, en la prenant dans son acception la plus haute, c’est-à-dire en la considérant comme l’ensemble des efforts de la pensée humaine dans une époque donnée, héritait du rôle que le génie de la guerre laissait vacant.

Comme pour lui faciliter la prise de possession de ce rôle, la restauration apportait une nouvelle forme de gouvernement qui donne aux idées la toute-puissance. La presse devenait libre ; la tribune cessait d’être muette ; la poésie retrouvait ses ailes, l’histoire sa franchise, la philosophie son indépendance, la religion la liberté de la polémique. Un gouvernement de discussion, avec des institutions plus ou moins calquées sur les institutions anglaises, faisait son avènement. L’horizon du gouvernement représentatif se rouvrait au moment où l’on voyait se fermer celui de cette gloire militaire qui, après avoir rempli la scène, laissait à la liberté politique, en se retirant du monde désolé, le soin d’intéresser et de passionner la France. L’influence de la restauration sur le mouvement intellectuel devenait incalculable par suite de ce nouveau gouvernement qu’elle inaugurait. Les sceaux posés sur les divers systèmes d’idées par la pesante main