Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/226

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

était cette plume, sœur de la sienne, et qu’elle ne connaissait pas ? Elle n’avait pas arrêté un moment sa pensée sur le jeune homme pâle et grave qui l’écoutait avec beaucoup de sang-froid se livrer à ses conjectures, dans les salons de M. Suard, où elle avait raconté l’anecdote. Enfin, invité de la manière la plus pressante à se nommer, dans le Publiciste, l’anonyme obéit, et M. Guizot leva la visière ; il vint lui-même se dénoncer à mademoiselle de Meulan. Ceci se passait en 1806. Six ans après, les rapports d’estime mutuelle, de conformité littéraire, les avaient amenés insensiblement à songer à une union plus étroite. M. Guizot était dans cette période de la jeunesse où l’on ne s’effraye pas d’une union un peu disproportionnée par l’âge, et où la première affection du jeune homme se plaît à retrouver quelque chose de maternel dans la tendresse de la femme. En 1812, mademoiselle Pauline de Meulan était devenue madame Guizot. Plusieurs écrits littéraires où l’inexpérience de la composition se laisse deviner au milieu de qualités remarquables, et qui attirèrent à l’auteur des critiques sévères de Dussault, avaient rempli ces années de la vie de M. Guizot. En 1809 avait paru le Dictionnaire des synonymes avec une introduction consacrée à une étude philosophique de la langue française ; un peu plus tard, les Vies des poëtes français, puis la traduction de la Décadence de Gibbon, enrichie de notes historiques ; enfin la traduction d’un ouvrage de Rehfus, l’Espagne en 1808. L’auteur de ces ouvrages n’avait pas encore vingt-cinq ans.