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ranger fit pour la société, il est juste de dire ce que la société avait fait pour lui.

À dix-sept ans, il était à Paris de retour auprès de son père. Il y trouva les mœurs du directoire, et rien, dans son éducation première, ne l’avait armé pour lutter contre cette corruption du sensualisme qui débordait de toute part. Il cherchait la gloire, et il l’attendait au sein des plaisirs faciles ; on peut bien le dire, puisque lui-même a levé le huis clos de sa vie intime, en défendant la morale, plus qu’indulgente, d’une de ses chansons[1]. Tout en se livrant aux dis-

  1. Une femme ayant jugé sévèrement ce vers de la chanson du Grenier :
    J’ai su depuis qui payait sa toilette,
    l’auteur défendit ainsi, dans une lettre adressée à cette femme, l’étrange morale de sa chanson :

    « Vous avez donc une bien mauvaise idée de cette pauvre Lisette ? Elle était cependant si bonne fille, si jolie, je dois même dire si tendre ! Eh quoi ! parce qu’elle avait une espèce de mari qui prenait soin de sa garde-robe, vous vous fâchez contre elle ? Vous n’en auriez pas eu le courage si vous l’aviez vue alors. D’ailleurs elle n’eût pas mieux demandé que de tenir de moi ce qu’elle était obligée d’acheter d’un autre ; mais comment faire ! Moi j’étais si pauvre ! La plus petite partie de plaisir me forçait à vivre pendant huit jours de panade que je faisais moi-même, tout en entassant rime sur rime, et plein de l’espoir d’une gloire future. Rien qu’en vous parlant de cette riante époque de ma vie, où, sans appui, sans pain assuré, sans instruction, je me rêvais un avenir sans négliger les plaisirs du présent, mes yeux se mouillent de larmes involontaires. Oh ! que la jeunesse est une belle chose, puisqu’elle peut répandre du charme jusque sur la vieillesse, cet âge si déshérité, si pauvre ! Employez bien ce qui vous en reste,