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bre. La plupart ont accepté docilement la position faite à la littérature sous le régime qui vient de finir ; plusieurs ont fait partie du bureau de l’esprit public, placé sous la direction de Fouché. Ce sont cependant des esprits de ce genre, résignés la veille à l’absolutisme politique, qui, dans la nuit où l’empire tombe et fait place a la restauration, passent avec armes et bagages aux doctrines les plus avancées du libéralisme, et encombrent les avenues de la littérature qui en est l’expression. Au fond, et sauf de rares exceptions, pour les hommes de l’école matérialiste et révolutionnaire, la liberté n’a jamais guère été qu’un moyen, et non un but : les hommes de lettres de l’intimité de Fouché, de courtisans du gouvernement impérial qu’ils avaient été, allaient se faire les courtisans de l’opinion publique ; ils changeaient de costume, non de rôle. Ce libéralisme bonapartiste, mal à propos confondu avec un libéralisme plus sincère et plus élevé, sera une des pierres d’achoppement de la restauration. Dans ce camp d’écrivains formé en général de talents plus corrects qu’élevés et plus châtiés qu’inspirés, on est assez disposé par les idées matérialistes à s’incliner devant la toute-puissance matérielle ; il n’y a que les droits religieux ou politiques contre lesquels on veuille maintenir l’indépendance orgueilleuse d’un esprit rebelle, qui, par une de ces mille contradictions auxquelles la nature humaine est sujette, s’allie au besoin avec l’assujettissement d’une volonté courbée devant le pouvoir. On accepte quand il le faut la domination