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apogée : « Toujours il sortira quelque chose de dessous terre qui prolongera les convulsions, et l’on ne cessera de se massacrer jusqu’à ce que la maison de Bourbon soit à sa place. Lorsqu’on arrache une maison royale de la sienne, le vide qu’elle laisse se remplit de sang humain ; mais le vide laissé par la maison de France est un gouffre, et quel sang n’y a pas coulé depuis Calcutta jusqu’à Tornéo ! » Plus tard, quand le congres de Vienne voudra entreprendre contre la souveraineté du roi de Saxe, M. de Maistre, conséquent avec sa doctrine, s’élèvera contre cette conduite : — « Un roi détrôné par une délibération, par un jugement formel de ses collègues, c’est une idée mille fois plus terrible que ce qu’on a jamais débité à la tribune des jacobins : car les jacobins faisaient leur métier ; mais lorsque les principes les plus sacrés sont attaqués par leurs défenseurs naturels, il faut prendre le deuil. Si les rois ont le droit de juger les rois, à plus forte raison ce droit appartient aux peuples. »

M. de Maistre est donc un génie profondément royaliste en politique, comme profondément catholique en religion. Seulement on aperçoit bien qu’il y a dans l’histoire générale, et dans l’histoire de son siècle en particulier, un point qui l’embarrasse. Le passé lui a appris qu’il y avait des races royales retranchées, des dynasties rejetées ; or, dans le présent, il voit l’empereur Napoléon s’élever à une si grande hauteur par son terrible génie et ses victoires, qu’un doute vient quelquefois l’assaillir. Il se sent entraîné par un attrait