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De Saint-Pétersbourg, M. de Maistre entretient une correspondance vraiment européenne avec des hommes éminents, ou au moins distingués. Cette correspondance roulait, en très-grande partie, sur les affaires du temps, ou sur les questions les plus profondes de la philosophie, de la religion, de l’histoire. Il est très-recherché dans la haute société, à cause de la vivacité, de la pénétration et de l’élévation de son esprit, jointes à une sérénité bienveillante de caractère, et à une politesse exquise de langage qui lui permettait de tout entendre et de tout discuter sans arriver jamais au ton de la dispute. On pouvait dire de lui-même ce qu’il disait, dans une de ses lettres, du véritable zèle : « Il n’y a, il n’y aura, il n’y a eu, il ne peut y avoir de zèle hors la vérité. Dans toutes les communions séparées, on prend la haine contre nous pour le zèle qui est tout amour, au point qu’il cesserait d’être, s’il pouvait haïr. Parmi les hommes convaincus, il serait difficile d’en trouver un plus libre de préjugés que moi. J’ai beaucoup d’amis parmi les protestants, et, maintenant que leur système croule, ils me deviennent plus chers. » Ces lignes sont bonnes à lire avant le livre Du Pape ; elles empêchent qu’on puisse se méprendre sur le comte de Maistre. Il haïssait l’erreur de toute l’ardeur de sa foi ; quant à l’homme qui errait, malgré quelques duretés de langage qui lui échappaient quand il tenait la plume, parce qu’alors il ne voyait que l’idée, il l’aimait de toute l’ardeur de sa charité. C’est l’essence même du