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êtres si chers qu’on ne voudrait associer qu’à ses jouissances.

Les victoires de Souwarov, en changeant un moment la face des affaires en Italie, déterminent un changement dans la situation de M. de Maistre ; il est nommé par le roi son maître régent de la chancellerie royale en Sardaigne. C’était la première place dans la magistrature de l’île ; il la remplit avec ce zèle religieux et cette sévère intégrité qui sont le fond de son caractère. C’est là qu’en 1802 il reçoit sa nomination d’envoyé extraordinaire et de ministre plénipotentiaire à Saint-Pétersbourg, où doivent s’écouler pour lui les douze années qui lui restent à courir jusqu’à la chute de l’empire, années pesantes et fâcheuses pour l’homme, fécondes pour le penseur et l’écrivain.

C’était en même temps un honneur et une grande épreuve que cette ambassade. Représentant d’une royauté indigente et aux trois quarts dépossédée, qui ne pouvait mettre ses envoyés en position de tenir leur rang, le comte de Maistre est obligé, pour diminuer ses dépenses, de se séparer d’une femme à laquelle il était tendrement attaché et de jeunes enfants qui faisaient sa joie ; il y avait même une de ses filles, Constance, qu’il ne connaissait pas, parce que, trop jeune pour partager sa première fuite et ses premiers exils, il avait été obligé de la laisser à des mains amies au moment où il allait quitter Chambéry. Ce redoutable écrivain, qui traitait d’une si terrible manière